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Le déclin du courage, Soljenitsyne

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Message par Littlewingrunner Lun 28 Fév - 23:46

Voici ce que le prix nobel de littérature disait, on trouve un extrait de ce discours dans courrier international, le dernier hors série, je me suis arrangé pour avoir le discours complet, je tenais à vous faire partager ce grand moment de la pensée :

Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l’Ouest aujourd’hui pour un observateur extérieur. Le monde occidental a perdu son courage civique, à la fois dans son ensemble et singulièrement, dans chaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque pays, et bien sûr, aux Nations Unies. Ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante, d’où l’impression que le courage a déserté la société toute entière. Bien sûr, il y a encore beaucoup de courage individuel mais ce ne sont pas ces gens là qui donnent sa direction à la vie de la société. Les fonctionnaires politiques et intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes, leurs discours et plus encore, dans les considérations théoriques qu’ils fournissent complaisamment pour prouver que cette manière d’agir, qui fonde la politique d’un Etat sur la lâcheté et la servilité, est pragmatique, rationnelle et justifiée, à quelque hauteur intellectuelle et même morale qu’on se place. Ce déclin du courage, qui semble aller ici ou là jusqu’à la perte de toute trace de virilité, se trouve souligné avec une ironie toute particulière dans les cas où les mêmes fonctionnaires sont pris d’un accès subit de vaillance et d’intransigeance, à l’égard de gouvernements sans force, de pays faibles que personne ne soutient ou de courants condamnés par tous et manifestement incapables de rendre un seul coup. Alors que leurs langues sèchent et que leurs mains se paralysent face aux gouvernements puissants et aux forces menaçantes, face aux agresseurs et à l’Internationale de la terreur. Faut-il rappeler que le déclin du courage a toujours été considéré comme le signe avant coureur de la fin ?

Quand les Etats occidentaux modernes se sont formés, fut posé comme principe que les gouvernements avaient pour vocation de servir l’homme, et que la vie de l’homme était orientée vers la liberté et la recherche du bonheur (en témoigne la déclaration américaine d’Indépendance.)Aujourd’hui, enfin, les décennies passées de progrès social et technique ont permis la réalisation de ces aspirations : un Etat assurant le bien-être général. Chaque citoyen s’est vu accorder la liberté tant désirée, et des biens matériels en quantité et en qualité propres à lui procurer, en théorie, un bonheur complet, mais un bonheur au sens appauvri du mot, tel qu’il a cours depuis ces mêmes décennies.

Au cours de cette évolution, cependant, un détail psychologique a été négligé : le désir permanent de posséder toujours plus et d’avoir une vie meilleure, et la lutte en ce sens, ont imprimé sur de nombreux visages à l’Ouest les marques de l’inquiétude et même de la dépression, bien qu’il soit courant de cacher soigneusement de tels sentiments. Cette compétition active et intense finit par dominer toute pensée humaine et n’ouvre pas le moins du monde la voie à la liberté du développement spirituel.

L’indépendance de l’individu à l’égard de nombreuses formes de pression étatique a été garantie ; la majorité des gens ont bénéficié du bien-être, à un niveau que leurs pères et leurs grands-pères n’auraient même pas imaginé ; il est devenu possible d’élever les jeunes gens selon ces idéaux, de les préparer et de les appeler à l’épanouissement physique, au bonheur, au loisir, à la possession de biens matériels, l’argent, les loisirs, vers une liberté quasi illimitée dans le choix des plaisirs. Pourquoi devrions-nous renoncer à tout cela ? Au nom de quoi devrait-on risquer sa précieuse existence pour défendre le bien commun, et tout spécialement dans le cas douteux où la sécurité de la nation aurait à être défendue dans un pays lointain ?

Même la biologie nous enseigne qu’un haut degré de confort n’est pas bon pour l’organisme. Aujourd’hui, le confort de la vie de la société occidentale commence à ôter son masque pernicieux.

La société occidentale s’est choisie l’organisation la plus appropriée à ses fins, une organisation que j’appellerais légaliste. Les limites des droits de l’homme et de ce qui est bon sont fixées par un système de lois ; ces limites sont très lâches. Les hommes à l’Ouest ont acquis une habileté considérable pour utiliser, interpréter et manipuler la loi, bien que paradoxalement les lois tendent à devenir bien trop compliquées à comprendre pour une personne moyenne sans l’aide d’un expert. Tout conflit est résolu par le recours à la lettre de la loi, qui est considérée comme le fin mot de tout. Si quelqu’un se place du point de vue légal, plus rien ne peut lui être opposé ; nul ne lui rappellera que cela pourrait n’en être pas moins illégitime. Impensable de parler de contrainte ou de renonciation à ces droits, ni de demander de sacrifice ou de geste désintéressé : cela paraîtrait absurde. On n’entend pour ainsi dire jamais parler de retenue volontaire : chacun lutte pour étendre ses droits jusqu’aux extrêmes limites des cadres légaux.

J’ai vécu toute ma vie sous un régime communiste, et je peux vous dire qu’une société sans référent légal objectif est particulièrement terrible. Mais une société basée sur la lettre de la loi, et n’allant pas plus loin, échoue à déployer à son avantage le large champ des possibilités humaines. La lettre de la loi est trop froide et formelle pour avoir une influence bénéfique sur la société. Quand la vie est tout entière tissée de relations légalistes, il s’en dégage une atmosphère de médiocrité spirituelle qui paralyse les élans les plus nobles de l’homme.

Et il sera tout simplement impossible de relever les défis de notre siècle menaçant armés des seules armes d’une structure sociale légaliste.

Aujourd’hui la société occidentale nous révèle qu’il règne une inégalité entre la liberté d’accomplir de bonnes actions et la liberté d’en accomplir de mauvaises. Un homme d’Etat qui veut accomplir quelque chose d’éminemment constructif pour son pays doit agir avec beaucoup de précautions, avec timidité pourrait-on dire. Des milliers de critiques hâtives et irresponsables le heurtent de plein fouet à chaque instant. Il se trouve constamment exposé aux traits du Parlement, de la presse. Il doit justifier pas à pas ses décisions, comme étant bien fondées et absolument sans défauts. Et un homme exceptionnel, de grande valeur, qui aurait en tête des projets inhabituels et inattendus, n’a aucune chance de s’imposer : d’emblée on lui tendra mille pièges. De ce fait, la médiocrité triomphe sous le masque des limitations démocratiques.

Il est aisé en tout lieu de saper le pouvoir administratif, et il a en fait été considérablement amoindri dans tous les pays occidentaux. La défense des droits individuels a pris de telles proportions que la société en tant que telle est désormais sans défense contre les initiatives de quelques-uns. Il est temps, à l’Ouest, de défendre non pas temps les droits de l’homme que ses devoirs.

D’un autre côté, une liberté destructrice et irresponsable s’est vue accorder un espace sans limite. Il s’avère que la société n’a plus que des défenses infimes à opposer à l’abîme de la décadence humaine, par exemple en ce qui concerne le mauvais usage de la liberté en matière de violence morale faites aux enfants, par des films tout pleins de pornographie, de crime, d’horreur. On considère que tout cela fait partie de la liberté, et peut être contrebalancé, en théorie, par le droit qu’ont ces mêmes enfants de ne pas regarder er de refuser ces spectacles. L’organisation légaliste de la vie a prouvé ainsi son incapacité à se défendre contre la corrosion du mal. (…)

L’évolution s’est faite progressivement, mais il semble qu’elle ait eu pour point de départ la bienveillante conception humaniste selon laquelle l’homme, maître du monde, ne porte en lui aucun germe de mal, et tout ce que notre existence offre de vicié est simplement le fruit de systèmes sociaux erronés qu’il importe d’amender. Et pourtant, il est bien étrange de voir que le crime n’a pas disparu à l’Ouest, alors même que les meilleurs conditions de vie sociale semblent avoir été atteintes. Le crime est même bien plus présent que dans la société soviétique, misérable et sans loi. (…)

La presse, aussi, bien sûr, jouit de la plus grande liberté. Mais pour quel usage ? (…) Quelle responsabilité s’exerce sur le journaliste, ou sur un journal, à l’encontre de son lectorat, ou de l’histoire ? S’ils ont trompé l’opinion publique en divulguant des informations erronées, ou de fausses conclusions, si même ils ont contribué à ce que des fautes soient commises au plus haut degré de l’Etat, avons-nous le souvenir d’un seul cas, où le dit journaliste ou le dit journal ait exprimé quelque regret ? Non, bien sûr, cela porterait préjudice aux ventes. De telles erreurs peut bien découler le pire pour une nation, le journaliste s’en tirera toujours. Etant donné que l’on a besoin d’une information crédible et immédiate, il devient obligatoire d’avoir recours aux conjectures, aux rumeurs, aux suppositions pour remplir les trous, et rien de tout cela ne sera jamais réfuté ; ces mensonges s’installent dans la mémoire du lecteur. Combien de jugements hâtifs, irréfléchis, superficiels et trompeurs sont ainsi émis quotidiennement, jetant le trouble chez le lecteur, et le laissant ensuite à lui-même ? La presse peut jouer le rôle d’opinion publique, ou la tromper. De la sorte, on verra des terroristes peints sous les traits de héros, des secrets d’Etat touchant à la sécurité du pays divulgués sur la place publique, ou encore des intrusions sans vergogne dans l’intimité de personnes connues, en vertu du slogan : « tout le monde a le droit de tout savoir ». Mais c’est un slogan faux, fruit d’une époque fausse ; d’une bien plus grande valeur est ce droit confisqué, le droit des hommes de ne pas savoir, de ne pas voir leur âme divine étouffée sous les ragots, les stupidités, les paroles vaines. Une personne qui mène une vie pleine de travail et de sens n’a absolument pas besoin de ce flot pesant et incessant d’information. (…) Autre chose ne manquera pas de surprendre un observateur venu de l’Est totalitaire, avec sa presse rigoureusement univoque : on découvre un courant général d’idées privilégiées au sein de la presse occidentale dans son ensemble, une sorte d’esprit du temps, fait de critères de jugement reconnus par tous, d’intérêts communs, la somme de tout cela donnant le sentiment non d’une compétition mais d’une uniformité. Il existe peut-être une liberté sans limite pour la presse, mais certainement pas pour le lecteur : les journaux ne font que transmettre avec énergie et emphase toutes ces opinions qui ne vont pas trop ouvertement contredire ce courant dominant.

Sans qu’il y ait besoin de censure, les courants de pensée, d’idées à la mode sont séparés avec soin de ceux qui ne le sont pas, et ces derniers, sans être à proprement parler interdits, n’ont que peu de chances de percer au milieu des autres ouvrages et périodiques, ou d’être relayés dans le supérieur. Vos étudiants sont libres au sens légal du terme, mais ils sont prisonniers des idoles portées aux nues par l’engouement à la mode. Sans qu’il y ait, comme à l’Est, de violence ouverte, cette sélection opérée par la mode, ce besoin de tout conformer à des modèles standards, empêchent les penseurs les plus originaux d’apporter leur contribution à la vie publique et provoquent l’apparition d’un dangereux esprit grégaire qui fait obstacle à un développement digne de ce nom. Aux Etats-Unis, il m’est arrivé de recevoir des lettres de personnes éminemment intelligentes … peut-être un professeur d’un petit collège perdu, qui aurait pu beaucoup pour le renouveau et le salut de son pays, mais le pays ne pouvait l’entendre, car les média n’allaient pas lui donner la parole. Voilà qui donne naissance à de solides préjugés de masse, à un aveuglement qui à notre époque est particulièrement dangereux. (…)

Il est universellement admis que l’Ouest montre la voie au monde entier vers le développement économique réussi, même si dans les dernières années il a pu être sérieusement entamé par une inflation chaotique. Et pourtant, beaucoup d’hommes à l’Ouest ne sont pas satisfaits de la société dans laquelle ils vivent. Ils la méprisent, ou l’accusent de plus être au niveau de maturité requis par l’humanité. Et beaucoup sont amenés à glisser vers le socialisme, ce qui est une tentation fausse et dangereuse. J’espère que personne ici présent ne me suspectera de vouloir exprimer une critique du système occidental dans l’idée de suggérer le socialisme comme alternative. Non, pour avoir connu un pays où le socialisme a été mis en oeuvre, je ne prononcerai pas en faveur d’une telle alternative. (…) Mais si l’on me demandait si, en retour, je pourrais proposer l’Ouest, en son état actuel, comme modèle pour mon pays, il me faudrait en toute honnêteté répondre par la négative. Non, je ne prendrais pas votre société comme modèle pour la transformation de la mienne. On ne peut nier que les personnalités s’affaiblissent à l’Ouest, tandis qu’à l’Est elles ne cessent de devenir plus fermes et plus fortes. Bien sûr, une société ne peut rester dans des abîmes d’anarchie, comme c’est le cas dans mon pays. Mais il est tout aussi avilissant pour elle de rester dans un état affadi et sans âme de légalisme, comme c’est le cas de la vôtre. Après avoir souffert pendant des décennies de violence et d’oppression, l’âme humaine aspire à des choses plus élevées, plus brûlantes, plus pures que celles offertes aujourd’hui par les habitudes d’une société massifiée, forgées par l’invasion révoltante de publicités commerciales, par l’abrutissement télévisuel, et par une musique intolérable.

Tout cela est sensible pour de nombreux observateurs partout sur la planète. Le mode de vie occidental apparaît de moins en moins comme le modèle directeur. Il est des symptômes révélateurs par lesquels l’histoire lance des avertissements à une société menacée ou en péril. De tels avertissements sont, en l’occurrence, le déclin des arts, ou le manque de grands hommes d’Etat. Et il arrive parfois que les signes soient particulièrement concrets et explicites. Le centre de votre démocratie et de votre culture est-il privé de courant pendant quelques heures, et voilà que soudainement des foules de citoyens Américains se livrent au pillage et au grabuge. C’est que le vernis doit être bien fin, et le système social bien instable et mal en point.

Mais le combat pour notre planète, physique et spirituel, un combat aux proportions cosmiques, n’est pas pour un futur lointain ; il a déjà commencé. Les forces du Mal ont commencé leur offensive décisive. Vous sentez déjà la pression qu’elles exercent, et pourtant, vos écrans et vos écrits sont pleins de sourires sur commande et de verres levés. Pourquoi toute cette joie ?

Comment l’Ouest a-t-il pu décliner, de son pas triomphal à sa débilité présente ? A-t-il connu dans son évolution des points de non-retour qui lui furent fatals, a-t-il perdu son chemin ? Il ne semble pas que cela soit le cas. L’Ouest a continué à avancer d’un pas ferme en adéquation avec ses intentions proclamées pour la société, main dans la main avec un progrès technologique étourdissant. Et tout soudain il s’est trouvé dans son état présent de faiblesse. Cela signifie que l’erreur doit être à la racine, à la fondation de la pensée moderne. Je parle de la vision du monde qui a prévalu en Occident à l’époque moderne. Je parle de la vision du monde qui a prévalu en Occident, née à la Renaissance, et dont les développements politiques se sont manifestés à partir des Lumières. Elle est devenue la base da la doctrine sociale et politique et pourrait être appelée l’humanisme rationaliste, ou l’autonomie humaniste : l’autonomie proclamée et pratiquée de l’homme à l’encontre de toute force supérieure à lui. On peut parler aussi d’anthropocentrisme : l’homme est vu au centre de tout.

Historiquement, il est probable que l’inflexion qui s’est produite à la Renaissance était inévitable. Le Moyen Age en était venu naturellement à l’épuisement, en raison d’une répression intolérable de la nature charnelle de l’homme en faveur de sa nature spirituelle. Mais en s’écartant de l’esprit, l’homme s’empara de tout ce qui est matériel, avec excès et sans mesure. La pensée humaniste, qui s’est proclamée notre guide, n’admettait pas l’existence d’un mal intrinsèque en l’homme, et ne voyait pas de tâche plus noble que d’atteindre le bonheur sur terre. Voilà qui engagea la civilisation occidentale moderne naissante sur la pente dangereuse de l’adoration de l’homme et de ses besoins matériels.Tout ce qui se trouvait au-delà du bien-être physique et de l’accumulation de biens matériels, tous les autres besoins humains, caractéristiques d’une nature subtile et élevée, furent rejetés hors du champ d’intérêt de l’Etat et du système social, comme si la vie n’avait pas un sens plus élevé. De la sorte, des failles furent laissées ouvertes pour que s’y engouffre le mal, et son haleine putride souffle librement aujourd’hui. Plus de liberté en soi ne résout pas le moins du monde l’intégralité des problèmes humains, et même en ajoute un certain nombre de nouveaux.

Et pourtant, dans les jeunes démocraties, comme la démocratie américaine naissante, tous les droits de l’homme individuels reposaient sur la croyance que l’homme est une créature de Dieu. C’est-à-dire que la liberté était accordée à l’individu de manière conditionnelle, soumise constamment à sa responsabilité religieuse. Tel fut l’héritage du siècle passé.

Toutes les limitations de cette sorte s’émoussèrent en Occident, une émancipation complète survint, malgré l’héritage moral de siècles chrétiens, avec leurs prodiges de miséricorde et de sacrifice. Les Etats devinrent sans cesses plus matérialistes. L’Occident a défendu avec succès, et même surabondamment, les droits de l’homme, mais l’homme a vu complètement s’étioler la conscience de sa responsabilité devant Dieu et la société. Durant ces dernières décennies, cet égoïsme juridique de la philosophie occidentale a été définitivement réalisé, et le monde se retrouve dans une cruelle crise spirituelle et dans une impasse politique. Et tous les succès techniques, y compris la conquête de l’espace, du Progrès tant célébré n’ont pas réussi à racheter la misère morale dans laquelle est tombé le XXème siècle, que personne n’aurait pu encore soupçonner au XIXème siècle.

L’humanisme dans ses développements devenant toujours plus matérialiste, il permit avec une incroyable efficacité à ses concepts d’être utilisés d’abord par le socialisme, puis par le communisme, de telle sorte que Karl Marx pût dire, en 1844, que « le communisme est un humanisme naturalisé. » Il s’est avéré que ce jugement était loin d’être faux. On voit les mêmes pierres aux fondations d’un humanisme altéré et de tout type de socialisme : un matérialisme sans frein, une libération à l’égard de la religion et de la responsabilité religieuse, une concentration des esprits sur les structures sociales avec une approche prétendument scientifique. Ce n’est pas un hasard si toutes les promesses rhétoriques du communisme sont centrées sur l’Homme, avec un grand H, et son bonheur terrestre. A première vue, il s’agit d’un rapprochement honteux : comment, il y aurait des points communs entre la pensée de l’Ouest et de l’Est aujourd’hui ? Là est la logique du développement matérialiste. (…)

Je ne pense pas au cas d’une catastrophe amenée par une guerre mondiale, et aux changements qui pourraient en résulter pour la société. Aussi longtemps que nous nous réveillerons chaque matin, sous un soleil paisible, notre vie sera inévitablement tissée de banalités quotidiennes. Mais il est une catastrophe qui pour beaucoup est déjà présente pour nous. Je veux parler du désastre d’une conscience humaniste parfaitement autonome et irréligieuse.

Elle a fait de l’homme la mesure de toutes choses sur terre, l’homme imparfait, qui n’est jamais dénué d’orgueil, d’égoïsme, d’envie, de vanité, et tant d’autres défauts. Nous payons aujourd’hui les erreurs qui n’étaient pas apparues comme telles au début de notre voyage. Sur la route qui nous a amenés de la Renaissance à nos jours, notre expérience s’est enrichie, mais nous avons perdu l’idée d’une entité supérieure qui autrefois réfrénait nos passions et notre irresponsabilité.

Nous avions placé trop d’espoirs dans les transformations politico-sociales, et il se révèle qu’on nous enlève ce que nous avons de plus précieux : notre vie intérieure. A l’Est, c’est la foire du Parti qui la foule aux pieds, à l’Ouest la foire du Commerce : ce qui est effrayant, ce n’est même pas le fait du monde éclaté, c’est que les principaux morceaux en soient atteints d’une maladie analogue. Si l’homme, comme le déclare l’humanisme, n’était né que pour le bonheur, il ne serait pas né non plus pour la mort. Mais corporellement voué à la mort, sa tâche sur cette terre n’en devient que plus spirituelle : non pas un gorgement de quotidienneté, non pas la recherche des meilleurs moyens d’acquisition, puis de joyeuse dépense des biens matériels, mais l’accomplissement d’un dur et permanent devoir, en sorte que tout le chemin de notre vie devienne l’expérience d’une élévation avant tout spirituelle : quitter cette vie en créatures plus hautes que nous n’y étions entrés.

Il est impératif que nous revoyions à la hausse l’échelle de nos valeurs humaines. Sa pauvreté actuelle est effarante. Il n’est pas possible que l’aune qui sert à mesurer de l’efficacité d’un président se limite à la question de combien d’argent l’on peut gagner, ou de la pertinence de la construction d’un gazoduc. Ce n’est que par un mouvement volontaire de modération de nos passions, sereine et acceptée par nous, que l’humanité peut s’élever au-dessus du courant de matérialisme qui emprisonne le monde.

Quand bien même nous serait épargné d’être détruits par la guerre, notre vie doit changer si elle ne veut pas périr par sa propre faute. Nous ne pouvons nous dispenser de rappeler ce qu’est fondamentalement la vie, la société. Est-ce vrai que l’homme est au-dessus de tout ? N’y a-t-il aucun esprit supérieur au-dessus de lui ? Les activités humaines et sociales peuvent-elles légitimement être réglées par la seule expansion matérielle ? A-t-on le droit de promouvoir cette expansion au détriment de l’intégrité de notre vie spirituelle ?

Si le monde ne touche pas à sa fin, il a atteint une étape décisive dans son histoire, semblable en importance au tournant qui a conduit du Moyen-âge à la Renaissance. Cela va requérir de nous un embrasement spirituel. Il nous faudra nous hisser à une nouvelle hauteur de vue, à une nouvelle conception de la vie, où notre nature physique ne sera pas maudite, comme elle a pu l’être au Moyen-âge, mais, ce qui est bien plus important, où notre être spirituel ne sera pas non plus piétiné, comme il le fut à l’ère moderne.

Notre ascension nous mène à une nouvelle étape anthropologique. Nous n’avons pas d’autre choix que de monter … toujours plus haut. »

Alexandre Soljénitsyne, Le Déclin du courage, Harvard, 8 juin 1978
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Le déclin du courage, Soljenitsyne  Empty Re: Le déclin du courage, Soljenitsyne

Message par loli Mar 1 Mar - 1:16

Un très beau discours ..et beaucoup de vérité, surtout concernant le déclin du courage !!! c'est une valeur qui se perd de nos jours...

voici un texte qui parle aussi de l'apologie de la lâcheté de notre société...

http://www.ddfrance.com/diogene/la%20lachete.html
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http://utopia.lebonforum.com/

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Message par javeline Mar 1 Mar - 3:21

Respects soljenitsyne!On aurait été potes dans la vie; le type aussi fou et mortel que moi.

Mais...que...de...d'utopies(chercheur...rechercheur...), d'invraisemblances, de questions sans réponses, d'affirmations sans psychologie des profondeurs!Mais il faut bien se lancer, c'est ptêtre ça le courage, écrire, écrire qqch.Se manifester; tenter, oser.Russe rustre rusé, occidenté, homme du phare ouest, érigé.



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Message par landord Mar 1 Mar - 12:39

Mais le combat pour notre planète, physique et spirituel, un combat aux proportions cosmiques, n’est pas pour un futur lointain ; il a déjà commencé. Les forces du Mal ont commencé leur offensive décisive.

Les premiers soubresauts apparaissent. Les jeunes, pauvres et sans avenir, se soulèvent contre ces vieux dirigeants avides de fric, amis des dictatures, enracinés dans de multiples réseaux maffieux.

Mais les forces du mal sont d'antant plus puissantes que bien des gens croient en elles pour les sauver. C'est plus que de pédagogie dont le monde a besoin, ce serait d'un lavage de cerveau.

Mais il ne suffit pas de se révolter contre l'ordre existant, encore faut-il voir au delà du bonheur factice qu'on nous a donné comme seul horizon.
Au monde actuel de réécrire sa bible et surtout pas d'adopter toutes les versions antérieures et dérivées : elles sont obsolètes après nous avoir conduit là où nous sommes.
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Le déclin du courage, Soljenitsyne  Empty Re: Le déclin du courage, Soljenitsyne

Message par Cerise Sam 5 Mar - 12:06

Sur l'ensemble, on ne peut qu'être d'accord avec ce texte. Cependant, à la première lecture, il m'a laissé un sentiment de malaise ; genre, "y'a un truc qui ne colle pas là-dedans". Comme un tour de passe-passe subtil et sous-jacent.

Après quelques relectures :

Soljenitsyne a écrit: Et tout soudain il s’est trouvé dans son état présent de faiblesse. Cela signifie que l’erreur doit être à la racine, à la fondation de la pensée moderne. Je parle de la vision du monde qui a prévalu en Occident à l’époque moderne. Je parle de la vision du monde qui a prévalu en Occident, née à la Renaissance, et dont les développements politiques se sont manifestés à partir des Lumières. Elle est devenue la base de la doctrine sociale et politique et pourrait être appelée l’humanisme rationaliste, ou l’autonomie humaniste : l’autonomie proclamée et pratiquée de l’homme à l’encontre de toute force supérieure à lui. On peut parler aussi d’anthropocentrisme : l’homme est vu au centre de tout.

"L'homme au centre de tout" ; ce sont les idées, les pensées d'intellectuels prenant le pas sur les pseudos vérités imposées par la religion, le christianisme en l'occurrence. Avec les Lumières, c'est en effet, une autre conception du monde qui apparaît, faut-il réellement le regretter ? Toujours la même question : existe-t-il une force supérieure à l'homme ? Et suivant la réponse, on suivra Soljenitsyne ... ou pas. Pour ma part, je ne regrette pas cette extraction du carcan religieux. L'homme se retrouvant face à lui même, enfin libre, au centre de tout. Pas facile à vivre, à organiser au mieux, c'est certain. Les dérives auxquelles nous devons aujourd'hui faire face en sont peut-être le prix à payer. Combien de siècles pour se défaire de la soumission à la religion ? L'hyper matérialiste en tant que nouvelle "religion" s'éteindra aussi forcément. Puisque, et là, je suis en accord avec l'auteur, le bonheur n'est pas là. Comme dirait Loli : on aura expérimenté... La recherche doit continuer, mais certainement pas dans un retour vers le religieux comme guide incontestable.


Soljenitsyne a écrit:L’évolution s’est faite progressivement, mais il semble qu’elle ait eu pour point de départ la bienveillante conception humaniste selon laquelle l’homme, maître du monde, ne porte en lui aucun germe de mal

C'est bien une idée de religieux ça de croire que le mal est en l'homme par nature. Cela peut se discuter, je crois perso que "l'homme naît bon et que la société le corrompt". J'ai encore la faiblesse (?) de croire que dans un environnement adéquat, l'homme tend à donner le meilleur de lui-même. Sinon, quel espoir ?


De manière plus générale, si Soljenitsyne (ça y est, je sais enfin l'écrire sans aller voir le titre !) dépeint bien les dérives de nos sociétés modernes, je doute que les solutions proposées par un homme qui a soutenu les dictatures militaires de Franco et de Pinochet me plairaient beaucoup. Entre démocratie (plus qu'imparfaite, soit) et dictature, mon choix est vite fait.



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Le déclin du courage, Soljenitsyne  Empty Re: Le déclin du courage, Soljenitsyne

Message par landord Sam 5 Mar - 13:48

Les textes de Little... et Loli sont complémentaires...je trouve.

Et Soljenitsyne m'inspire des sentiments semblables à ceux qu'évoque Cerise.

Sur ce sujet, je comprends un peu le point de vue de Javeline dans un autre post, où il critique la lucidité comme but à attreindre.

C'est que le courage qu'on accole à un acte est parfois proportionnel à l'inconscience des tenants et aboutissant de l'acte.

Bien sûr que divers opiums du peuple, au sens vrai ou figuré, rendent passifs et acceptants, mais également, plus on est au fait de la situation et des mécanimes qui règlent les relations humaines, plus on mesure la difficulté d'être efficace.

On y regarde à deux fois avant de se jeter à corps perdu. Car il en est qui y perdent la vie et ceux qui demeurent se retrouvent souvent au point de départ.

Courage et lucidité me semblent devoir être unis en vue de l'efficacité.
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Le déclin du courage, Soljenitsyne  Empty Re: Le déclin du courage, Soljenitsyne

Message par Littlewingrunner Sam 5 Mar - 18:40

Cela est très juste Landord, mais pourtant il faut agir. C'est une réflexion qu'avait Descartes : si on attend de tout savoir sur quelque chose pour agir on ne le fera jamais, à un moment il faut trancher. Là est la liberté.

Soljenitsyne en tant qu'homme historique m'importe peu, en revanche l'écrivain est génial. Son idée de remettre du spirituel dans un monde désenchanté est celle à laquelle j'ai déjà réfléchi sans avoir connaissance de ce texte magnifique.
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Le déclin du courage, Soljenitsyne  Empty Re: Le déclin du courage, Soljenitsyne

Message par Cerise Dim 6 Mar - 1:59

Littlewingrunner a écrit: Soljenitsyne en tant qu'homme historique m'importe peu, en revanche l'écrivain est génial. Son idée de remettre du spirituel dans un monde désenchanté est celle à laquelle j'ai déjà réfléchi sans avoir connaissance de ce texte magnifique.

Ce texte date de 1978. Le lire en sachant qu'en 1976, il affirmait que les Espagnols vivaient "dans la liberté la plus absolue" sous Franco et qu'il considérait la guerre d'Espagne comme la victoire du "concept de vie chrétienne", me laisse perplexe sur sa conception de la liberté et de la spiritualité dont il souhaite le retour dans le présent discours.

Mais laissons cela, pour en revenir à notre "monde désenchanté" ; lorsque tu parles d'y remettre de la spiritualité, à quel genre de spiritualité penses-tu ? Est-elle ou non associée à une foi en Dieu ? Et de quelle manière pourrait-on y parvenir ?
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Le déclin du courage, Soljenitsyne  Empty Re: Le déclin du courage, Soljenitsyne

Message par javeline Dim 6 Mar - 4:15

Bonne question....-); et une bonne réponse de Little je pressens.Jeu de fléchettes, on ferme un oeil, on croque la langue, on vise.

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Le déclin du courage, Soljenitsyne  Empty Re: Le déclin du courage, Soljenitsyne

Message par Cerise Dim 6 Mar - 11:57

landord a écrit:
Bien sûr que divers opiums du peuple, au sens vrai ou figuré, rendent passifs et acceptants, mais également, plus on est au fait de la situation et des mécanimes qui règlent les relations humaines, plus on mesure la difficulté d'être efficace.


C'en est même souvent désespérant oui.
A nous donner presque l'envie de nous Javeliniser.
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Le déclin du courage, Soljenitsyne  Empty Re: Le déclin du courage, Soljenitsyne

Message par Cerise Dim 6 Mar - 11:59

javeline a écrit:... et une bonne réponse de Little je pressens.


Moi aussi, en partie. Sinon, c'est que je n'aurais vraiment rien compris à ce qu'a exprimé Little jusqu'ici. Ce qui m'intéresse plus particulièrement, c'est le "comment", tant je ne vois pas d'issue pour nous sortir de l'abrutissement collectif décrit par Soljenitsyne. Car nous sommes bien dans une espèce de dictature ; celui de la surconsommation (marchandises, informations, loisirs, etc...), un "toujours plus" qui nous est vendu comme un "toujours mieux". Sans parler des modèles de "réussite" qui nous sont sans cesse proposés (imposés) comme exemples à suivre, dont le paroxyme de la bêtise est sans doute incarné par Séguela et sa fameuse Rolex. Mais d'autres modèles du même style passent comme une lettre à la Poste (privatisée, il va de soi). Comme le démontre Soljenitsyne (et l'actualité de ce discours ancien est étonnante), la médiocrité nous envahit à tous les niveaux. La politique actuelle, tous bord confondus, en est peut-être d'ailleurs l'étendard le plus triomphant. Et je doute que les humanistes (dans le sens noble du terme) et les droits de l'homme en soient responsables.

A noter, qu'individuellement, la grande majorité d'entre nous se sent libre de ses choix, de sa façon de vivre et de consommer. L'esclave consentant, le médiocre, le lâche, c'est l'autre, forcément. Dans ces conditions, je me demande bien comment il peut être possible de nous sortir rapidement d'un système que nous sommes pourtant de plus en plus nombreux à rejeter.
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Le déclin du courage, Soljenitsyne  Empty Re: Le déclin du courage, Soljenitsyne

Message par landord Dim 6 Mar - 13:49

Je trouve que Soljenitsyne évoque plus un courage pour s'opposer à un système, pour en adopter un ancien, plutôt que le courage d'anlyser intelligemment le présent et le passé pour créer un futur autre.

Mais j'ai sans doute une vue superficielle de sa pensée... bien que !!!

" L'expérience est une lanterne qui n'éclaire bien que le passé " aurait dit Confucius et j'ai du mal à apprécier la lanterne de Soljénitsyne
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Le déclin du courage, Soljenitsyne  Empty Re: Le déclin du courage, Soljenitsyne

Message par Littlewingrunner Dim 6 Mar - 14:39

Je souscris à l'analyse de Soljenitsyne sans souscrire aux réponses qu'il a eu. Le constat est là, et est très bien dit. Plusieurs choses : une dégradation de l'occident, passé d'un état de grâce à une décrépitude, un manque de courage institutionnel et étatique, et un troisième point avec lequel Baudrillard serait d'accord, ainsi que Marx ou Foucault : les institutions elles mêmes ne cherchent qu'à se recomposer, en somme il y'a des gardes fous qui empêchent toute nouvelle pensée nouvelle ou forme de courage. On argue alors de contraintes budgétaires, et d'autres soucis prosaïque.

Ce texte me fait profondément penser à Péguy, celui de Notre Jeunesse qui écrivit cette phrase fameuse : " tout commence par de la mystique et fini par de la politique ". C'est cette dégradation qui est en jeu ici. La politique c'est proprement l'action politicienne, celle des partis, des intérêts privés, celle de gérer, non d'innover. Ce qu'il manque dans ce monde désenchanté ou la croyance s'est rependue partout car elle ne peut se fixer nul part : le sport, la consommation, l'argent et la chrématistique, le sexe, les idoles modernes et la peopolisation ... c'est la spiritualité, la mystique, qu'importe la façon dont on l'appelle, en suivant Péguy ou Soljénitsyne.

Et sur cela j'ai déjà ma réponse, j'ai déjà écrit 22 pages, un texte qui s'appelle " Dieu et la Liberté", auquel je souscris encore, même s'il faudrait réécrire des passages ( il est dans la rubrique création du forum). Et cette spiritualité ne détruit en rien une liberté de l'homme, au contraire : elle la permet, le fait d'être responsable de soi etc.. Je ne propose pas une vision religieuse de Dieu, mais plutôt comme " illusion nécessaire". Le terme d'illusion est mal choisit car il postule l'idée que son existence est fausse, mais on comprend la notion. C'est le seul moyen que j'ai trouvé, personnellement, pour ne pas sombrer moi même dans un pessimisme. Une sorte de "et si", comme Kant l'utilise parfois. Ce serait donc plutôt dans mon idée : je ne crois pas parce qu'il existe, mais parce qu'il faut y croire, que c'est nécessaire. Et dans mon idée ce n'est pas une nouvelle croyance, elle a l'avantage de la transcendance sur l'immanence, de l'abstraction sur le concret. Comme la loi morale de Kant ou la chose en soi, on ne peut pas la lire dans les phénomènes, mais elle peut conditionner notre appréhension de ceux ci. En soi pour paraphraser Bonnefoy cela permettrait de rendre le monde habitable, tout comme la poésie !

Evidemment il faut aller désormais plus loin que ce discours, certes brillant, qui pose des constats justes et alarmants.
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Le déclin du courage, Soljenitsyne  Empty Re: Le déclin du courage, Soljenitsyne

Message par javeline Lun 7 Mar - 5:12

Cerise a écrit:
javeline a écrit:... et une bonne réponse de Little je pressens.


Moi aussi, en partie. Sinon, c'est que je n'aurais vraiment rien compris à ce qu'a exprimé Little jusqu'ici. Ce qui m'intéresse plus particulièrement, c'est le "comment", tant je ne vois pas d'issue pour nous sortir de l'abrutissement collectif décrit par Soljenitsyne. Car nous sommes bien dans une espèce de dictature ; celui de la surconsommation (marchandises, informations, loisirs, etc...), un "toujours plus" qui nous est vendu comme un "toujours mieux". Sans parler des modèles de "réussite" qui nous sont sans cesse proposés (imposés) comme exemples à suivre, dont le paroxyme de la bêtise est sans doute incarné par Séguela et sa fameuse Rolex. Mais d'autres modèles du même style passent comme une lettre à la Poste (privatisée, il va de soi). Comme le démontre Soljenitsyne (et l'actualité de ce discours ancien est étonnante), la médiocrité nous envahit à tous les niveaux. La politique actuelle, tous bord confondus, en est peut-être d'ailleurs l'étendard le plus triomphant. Et je doute que les humanistes (dans le sens noble du terme) et les droits de l'homme en soient responsables.

A noter, qu'individuellement, la grande majorité d'entre nous se sent libre de ses choix, de sa façon de vivre et de consommer. L'esclave consentant, le médiocre, le lâche, c'est l'autre, forcément. Dans ces conditions, je me demande bien comment il peut être possible de nous sortir rapidement d'un système que nous sommes pourtant de plus en plus nombreux à rejeter.

Déjà, cette idée de courage, comment savoir ce qu'est le courage?
Abrutissement collectif...euh!...je vois pas d'issue, en effet.-).Mais je vois ce que tu veux dire.Un monde où tout le monde s'aimerait, serait soucieux de l'autre, bienveillant...moi j'aime tlm-)(fatalement); par contre aimer-bien....-), c'est autre chose.
La seule dictature que je vois c'est le monde même, l'idée de monde.Tu crois en un autre monde possible, d'autres mondes, tu crois en la vie, donc.
Tu t'es déjà demandé intimement, rien que pour toi, ce que tu voudrais exactement?Comment tu vois ça, quelles images y sont associées quels sont les buts ultimes.
Oui, mais ces modèles de réussite, tu les snobes-); franchement je préfère être moi qu'in Sègue, je le sais depuis la nuit des temps-); et lui préfère être lui que moi, c'est l'existence, la vie.
Contre la médiocrité...je détecte alors ton premier combat; médiocrité comme synonyme d'abrutissement....on avance!...-)
L'étendard...............non, rien.
Les humanistes croient au monde, le font alors; l'entretiennent.Je pense qu'il faut nier le monde pour le tuer, l'avoir au final.Et forcément, retour à la vie, aux sources, aux vérités, trouvailles, à l'existence.
Le lâche, le médiocre, pour moi ce n'est pas l'autre, mais je suis exceptionnel, c normal-)

Se sortir du monde...voilà!Tout est là; idée captivante, étrange, magnifique, cauchemardesque, dangereuse, inconnue.Mais si il faut du courage!...je ne sais pas ce que cest; le courage serait donc de?...


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